top of page

Alexandre Guivarch ,ancien piqueux du Rallye La Passion : «On m’a traité comme un criminel »

Alexandre se lève le samedi 16/11/2019, barbouillé, mal au ventre. « Une grippe intestinale ».


Toutefois il faut se lever; le patron a besoin. C’est un jour particulier pour le Rallye La Passion; c’est la Saint-Hubert pour l’équipage : Messe à Faverolles, banquet, nombreux invités.


Alexandre , c’est le piqueux, c’est lui qui a la responsabilité de gérer les chiens.


« Ce matin-là , j’ai fait mon boulot pour tout préparer. C’était la messe de St Hubert dans l’église du village.»


Ce matin-là, pas de repas pour les 21 chiens qui vont chasser… Des chiens affamés?

« Je les nourris tous les matins, sauf les jours de chasse. Sinon ils risquent un retournement d’estomac.».


« Je suis parti pendant le banquet. On est repartis à la ferme avec un ami, car je n’avais pas mon permis de conduire, pour monter dans le camion les chevaux qui étaient restés aux box en attendant la messe. Les chiens sont restés à l’église »


« Après le banquet, ils sont tous redescendus à la ferme et on est partis ensemble au carrefour du conservateur »


Au Carrefour du Conservateur, les invités sont nombreux. Beaucoup arrivent directement de chez eux. Quand Alexandre et le patron arrivent sur place, ils sont déjà un certain nombre sur place.


13h28 : Alexandre fait sortir les chiens du camion. Il n’a pas réellement idée de l’heure qu’il est, ou alors, très approximativement : il n’a pas de montre et ne fait attention à l’heure qu’il peut être. Ce n’était pas vraiment son souci principal à ce moment-là.


« Je ne suis pas monté à cheval à cause de ma grippe intestinale. Pas évident de monter avec ça ! Donc j’ai suivi la chasse en voiture comme les autres suiveurs».


Pendant la chasse, les voitures s’arrêtent régulièrement. Des arrêts « vitaux » pour Alexandre ce jour-là. « Je descendais régulièrement : avec une grippe intestinale, tu descends souvent, croyez-moi! »


Lors d’un arrêt sur la Laie du Fond d’Argent, il fait la rencontre d’un homme venant d’une autre laie qui vient vers lui.


« Il y avait une personne dans l’après-midi qui est venue me parler. Il avait un gilet jaune fluo comme ils ont sur les chantiers. Il avait un manteau rouge sous le bras.


Il me dit : « J’ai perdu ma femme et mon chien. Faites attention, mon chien est très très méchant. » Moi je lui ai dit « Si on voit votre femme, on lui dira que vous êtes par ici » comme quelqu’un qui se perd en forêt aux champignons de manière banale . Il m’a dit « OK » et il est reparti de là où il est venu. »


Selon Alexandre, il n’y avait pas de chiens dans les environs au moment où il croise Christophe Ellul.

« La chasse était plus au Sud, près de la N2 »



La chasse se termine et le chevreuil n’a pas été pris.

Les veneurs se retrouvent au carrefour du conservateur pour un petit pique-nique léger, car le banquet suit après.

Beaucoup d’invités , Alexandre ne voit pas Jean-Charles Metras prendre congé auprès du patron.


Tout le monde remballe. Alexandre et le patron montent dans le camion pour retourner vers la ferme de Javage. Alexandre ne sait encore rien dans ce qui arrivé à Elisa Pilarski.


A proximité de la ferme, Alexandre reçoit un appel: c’est la gendarmerie : « un gendarme m’appelle pour me dire qu’ils arrivent et qu’on ne doit toucher à rien le temps qu’ils arrivent. Ils sont arrivés presque en même temps que nous. Ils étaient je ne sais pas combien. »


Le chenil est bouclé par les gendarmes puis Alexandre part avec le patron et des gendarmes , direction la gendarmerie de Soissons. Leurs téléphones sont saisis.


Alexandre récupèrera son téléphone 3-4 semaines après. « C’était dur de voir mon mari traité comme un criminel, et sur écoute en plus de ça. Il n’avait plus de téléphone, mais il fallait quand même payer le forfait. » nous explique Jessica, la compagne d’Alexandre.


C’est la totale incompréhension. Jessica, enceinte, ne comprend pas pourquoi son compagnon est ainsi embarqué comme un criminel. Le point de départ d’un cauchemar psychologique.


Dans les locaux de Soissons, Sebastien Van Den Berghe et Alexandre Guivarch sont séparés , chacun dans un pièce.


« Les gendarmes m’ont dit : « vous êtes convoqué par rapport à la femme retrouvée morte là où vous chassiez ». J’ai compris que c’était la femme de l’homme qui m’a parlé ».


Les questions se succèdent.

« Ils m’ont demandé les horaires, ce que j’ai fait de la journée, ce que j’ai vu, ce que j’ai entendu »


Alexandre dit aux gendarmes penser avoir lâché les chiens vers 13h10-15.

Mais Alexandre ne regardait pas l’heure, ne savait pas l’heure précise.

Il ne savait pas non plus au moment de son audition que des photos du lâcher des chiens avaient été prises à 13h28.


L’horaire du lâcher des chiens était l’un des points sensibles de l’affaire. Une partie de l’audition finit par fuiter.

Un journal fait alors de l’horaire approximatif donné par Alexandre une vérité.


« Certains ont des bonnes sources; mais ne les comprennent pas » soupire un proche du dossier.


La nuit sera courte pour Alexandre. Son audition se poursuit jusqu’à 5h du matin.

« J’avais l’impression d’être pris pour un criminel, mais bon, ils faisaient leur boulot. Ils ne savaient pas à ce moment-là si c’était nous ou lui. Malgré ça, ils ont bien fait leur boulot ».


A la maison, Jessica l’attend : « C’était beaucoup de stress. Je n’ai pas dormi de la nuit; je l’ai attendu sur le canapé, j’attendais d’avoir des nouvelles. Je peux vous dire que , étant enceinte, c’était dur dur. »


Les gendarmes ne laissent rien au hasard : le camion de transport des chiens est immédiatement réquisitionné le soir même et les gendarmes sont de nouveau à 8h du matin à la ferme de Javage. Alexandre est de nouveau auditionné par les gendarmes, et le sera ensuite quelques temps plus tard par la PJ de Creil.


Les médias s’emparent rapidement de l’affaire. Les journalistes font le pied de grue devant le domicile d’Alexandre.


Jessica , la femme d’Alexandre nous raconte:

«  Mon mari était encore convoqué à la gendarmerie de Soissons et je suis rentrée à notre domicile. J’ai entendu nos chiens crier, je suis donc sortie, et là, juste devant la porte de la cour, j’ai eu à ma grande surprise des journalistes qui attendaient devant.

Je leur ai dit : « Bonjour, vous cherchez quoi ? » . Ils m’ont répondu qu’ils étaient là pour écrire un article.

Ils m’ont posé des questions du genre « Vos chiens sont-ils méchants? ». Et là , j’ai rigolé.

Et puis après , ils m’ont dit : « Pour ne pas faire d’erreur, vous êtes bien enceinte? ». J’avais pris 30 kilos pour ma grossesse donc je pense que ça se voyait… Du coup, j’ai regardé mon ventre et je leur dit « Euuuh , non ça ne se voit pas ». 


Je suis rentrée et j’ai appelé Alexandre pour savoir à quelle heure il rentrait. Je n’en pouvais plus de pleurer . »


« Comme Elisa, j’étais enceinte à l’époque, avec 1 mois d’intervalle. J’attendais un petit garçon, nous avions décidé de l’appeler Enzo… Imaginez un peu la chose? Pas de « chance » , non? Ou le destin ? Nous avons évidemment décidé de changer de choix de prénom quand nous avons su comment devait s’appeler l’enfant que cette femme attendait. »


Alexandre subit ensuite les mêmes questions avec les journalistes : « vos chiens sont-ils méchants? ».


Un leitmotiv journalistique qui entraînera une opération de communication de réponse par les veneurs : «Nos chiens ne sont pas méchants » qui a pu être considérée comme indécente à l’époque.


La PJ de Creil se rend assez vite compte que le scénario établi par Christophe Ellul a du mal à tenir debout; ce dernier changeant de version selon les auditions. Quand Alexandre est auditionné par la PJ de Creil, à son domicile car il n’avait pas le permis, les policiers sont plus « détendus » que les gendarmes à Soissons. Un des policiers laisse sa carte à Alexandre et lui dit de ne pas hésiter à l’appeler si les journalistes l’importunent de trop.


Mais , en parallèle des médias, ce sont les réseaux sociaux qui vont venir chambouler la vie d’Alexandre et Jessica.


Alexandre nous explique que les messages ont commencé dès le lendemain. Des centaines de mp sur Messenger : menaces de mort, insultes, etc…


Sur les groupes concernant l’affaire , certains échaffaudent des théories ; dont notamment une candidate du Parti Animaliste aux législatives 2022, qui diffusera plus tard des faux résultats concernant l’expertise de Curtis par le Dr Diaz, sur la base d’information donnée par Christophe Ellul.


Au centre des débats, le fait qu’Alexandre était malade, certains persuadés qu’il a trop arrosé le banquet du matin et qu’il n’était pas capable de s’occuper des chiens ; d’autres y voient la preuve qu’il a vu le corps d’Elisa et qu’il s’est senti mal en faisant le parallèle avec la grossesse de Jessica.


« Moi, je n’ai reçu aucun message » nous raconte Jessica. « Mais on savait qu’on était épiés. On a pris des photos de notre fils dans la meute, que l’on partageait pour faire fermer un peu les bouches méchantes et mesquines. »


« Vous savez que c’est très dur de voir certaines personnes qui sont persuadées de savoir et de connaître la vérité , qui sont anti chasse, envoyer un message à votre mari : « J’espère que ta femme et ton gosse vont crever et vont souffrir comme Elisa », alors que l’on n’a jamais rien fait , ni rien demandé. »


«  Si nos chiens étaient si méchants , pourquoi j’allais dans le chenil enceinte dès le premier mois, et pendant toute ma grossesse ? »


« Un des chiens qui s’appelait Musicien posait sa tête sur mon ventre à chaque fois qu’il me voyait. Une fois que j’ai accouché , dès le premier mois, mon fils était dans le chenil , dans le porte-bébé. Musicien , pour ne pas dire tous les chiens, tous venaient poser leur tête sur Nolan ».


« On a été traînés dans la boue pendant toute cette affaire, mis plus bas que terre; mais on a su garder la tête haute. »

«  On a subi des pertes d’amis avec cette histoire. On n’osait plus aller au restaurant ou autre : il fallait réserver et citer notre nom était impossible au vu des circonstances. Sortir était comme une interdiction pour nous sachant que notre nom a été sali. Notre nom était mis partout, tout le monde le connaît pour une chose que vous n’avez pas faite ».


Alexandre vit mal les accusations, les amis qui leur tournent le dos.

Il voit aussi les chiens souffrir de leur enfermement , eux qui ont l’habitude de sortir et de courir. «Quelques chiens se sont laissés mourir d’ennui. »


Alexandre raconte les messages reçus au patron. « «Faut pas faire attention », il me disait ».


« Je n’étais que l’ouvrier , j’avais l’impression de ne pas avoir le même soutien que celui qu’on apportait au patron ».


Fin 2020 , les résultats tombent. Les chiens de chasse sont mis hors de cause par la justice. Les chiens peuvent ressortir.

Les messages en mp se calment.


Sébastien Van Den Berghe participe à une vidéo d’Adrien Adam de Pas Vegan pour débattre des positions des antichasses. Alexandre, lui, se fait discret.


Nolan a grandi , il s’amuse et joue avec Musicien.

Mais quelque chose s’est cassé. Définitivement.


En 2023, Sébastien Van Den Berghe licencie Alexandre Guivarch. « Il m’a dit qu’on ne s’entendait plus ».


Mai 2024, le parquet annonce les réquisitions contre Christophe Ellul, l’homme qui a fait basculer la vie d’Alexandre et Jessica. La parole est donnée dans les médias à l’avocate de Sébastien Van Den Berghe.


« Les journaux ont donné notre nom alors qu’on n’avait rien fait. Mais personne ne nous demande comment on a vécu tout ça » réagit Alexandre.


Le clivage fainéant et la polarisation prochasse / antichasse ont un peu trop fait oublier les conséquences que peuvent avoir des accusations infondées.


« Calomnier, calomnier, il en restera toujours quelque chose. »

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page